Bain de Blues 2019 - 26 & 27-04-2019.
(Y. Philippot-Degand)

Nous voici revenus aux racines de notre musique préférée. Nous ? Oui, car cette année, Philippe Archambeau a fait le voyage pour m’accompagner pendant cette édition 2019, ce qui m’évitera d’effectuer avec la pression de l’urgence de la publication un long et fastidieux tri photographique, d’autant plus problématique que l’an dernier des ennuis de matériel informatique l’avaient retardés de… quatre mois ! Je vais quand même garder à la main mon précieux appareil en espérant pouvoir m’occuper de nouvelles photos avant Noël et fournir aux organisateurs quelques clichés de qualité. Quand même…
Premier obstacle cette année : la ville est en travaux ! Pas de problème, je la connais assez bien pour rejoindre facilement la salle, un peu à l’écart du centre, mais je me doute déjà que ce ne sera pas si facile pour les artistes jouant dans les bars pour le Bar’n’blues…

Arrivés à la salle, nous retrouvons avec plaisir toute une bande de joyeux habitués, fins connaisseurs, tous prêts à se réjouir les tympans de la programmation. Au passage, on prête l’oreille à l’école de musique locale Opus17 à qui on a offert un coin de tente pour que leurs jeunes musiciens puissent présenter en public quelques reprises. Le résultat plutôt encourageant et pas mal réalisé leur attirera le soutien sincère des premiers festivaliers. Ces jeunes musiciens réitèreront aussi leur prestation le lendemain, juste avant l’ouverture de la salle. Belle initiative que de faire une petite place à la relève !

Comme de coutume, le Festival est lancé sur la petite scène annexe par l’artiste qui aura en charge les inter-scènes du vendredi. Lourde tâche dont s’est parfaitement acquitté Vincent Bloyet, déployant avec beaucoup d’énergie son blues plutôt « roots » et ses boogies hypnotiques, ce qui n’exclue pas quelques ballades bien senties.

Après le traditionnel discours d’ouverture, place à Lil’Red & The Rooster (Jennifer Milligan and Pascal Fouquet), premier groupe programmé sur la grande scène, qui nous fournit une très bonne entrée en la matière sous une forme de quintet. Bien dans leur style, dotés d’un vrai swing, les musiciens forment un groupe homogène et complice de grande qualité qui permet à Jennifer de bien occuper la scène et de faire valoir ses capacités vocales. Ils obtiendront d’un public charmé des applaudissements nourris et un rappel mérités.

Petite surprise au départ avec Shaun Booker et Jon Del Toro où un original trio batterie/piano/guitare entame le set pour deux morceaux chantés par Jon avant que Shaun fasse son entrée dans un show déjà très bien lancé. Pas de baisse de régime : de l’énergie, du swing et un guitariste explosif capable de mettre le feu en quelques notes de grande intensité, le groupe donne beaucoup de plaisir à un public une nouvelle fois conquis.



Cette soirée du vendredi avait visiblement été marquée au fer rouge par le signe de la débauche énergétique et le groupe suivant n’allait pas démentir ! The Reverend Peyton’s Big Damn Band (!), redoutable trio jailli de l’Indiana, s’était donné pour mission de mettre en évidence le travail de vrais musiciens avec de vraies mains jouant de vrais instruments, sans ordinateur ni robot, pour un vrai show à l’américaine. Quel show en effet ! Servi par les qualités musicales indéniables du colosse Peyton et par une rythmique à haute énergie, on aurait pu qualifier ce rouleau compresseur rural de gargantuesque jusqu’au moment où ils ont mis le feu à la washboard de Madame, et à partir de là il est permis de parler de show pyrotechnique !



Après ce choc musical et visuel et une pause un peu plus calme du côté d’un Vincent Bloyet laissant une part plus large aux ballades, il revenait à Ben Poole de terminer la soirée. Délaissant dans un premier temps sa Telecaster habituelle pour une Les Paul, et opérant sous la forme d’un trio classique avec le soutien d’une rythmique basse/batterie, le guitariste-chanteur nous réserva la surprise d’une version osée sans micro voix de « Have you ever loved a woman » avant de mettre en évidence les charmes d’une voix assez douce et légèrement voilée et d’un jeu de guitare flamboyant, que certains pourront trouver un peu trop démonstratif, mais qui a ravi les tenants de ce style lui aussi plein d’énergie et laissant de grandes plages de liberté à l’instrumentiste. Une fin de soirée plus classique, donc, mais nullement soporifique !



Entre des impératifs personnels et la difficulté de se garer en ville au milieu des travaux, j’arrive hélas un peu tard pour profiter de l’intégralité de la prestation de Jolies Letters, mais il faut déjà enchaîner un peu plus loin avec celle de Two Roots, groupe où sévit à la guitare le bassiste et compositeur bien connu de la scène rennaise Pierrick Biffot. Pour ce projet, il accompagne la chanteuse Sophia Tahi dans le but avoué d’explorer ensemble les confins du Blues, comme il était joué à l'origine dans le sud des états-Unis, à l'époque où tout ce que l'on avait pour faire de la musique, c'était une guitare et une voix. Ne nous cachons pas : la mise en pratique s’avère des plus réussies, avec des versions où le duo n’hésite pas à revisiter et transformer les compositions originales pour les faire coller au mieux à leur projet. Pierrick Biffot déploie à la guitare un jeu étonnant et original tandis que Sophia Tahi se charge de toute la partie relationnelle et fait le show de manière convaincante. Une très bonne découverte.

Il est temps de repartir vers la grande salle de concert pour vivre la deuxième soirée du Festival. Little Big 6ster, le groupe chargé des inter-scènes présente un aspect un peu surprenant, avec de drôles de costumes aux coiffures extravagantes. Leur utilisation ponctuelle du didgeridoo fait craindre le pire aux puristes mais très rapidement le quatuor met le feu à la petite scène sous l’impulsion de Virginie, leur chanteuse -guitariste-percussionniste à la voix prenante. Bien soutenue par ses acolytes, elle nous sert une mixture incantatoire, quasi chamanique, entre blues ethnique et rock primaire. Ses déboulés au bottleneck répondent aux dérapages également en slide (mais pas que) de l’autre guitariste qui lui renvoie la balle avec brio tandis qu’une solide section rythmique s’occupe de faire vivre avec maîtrise et enthousiasme le swing de la formation. Ce groupe angevin talentueux se positionne d’emblée comme une des révélations du Festival et l’introduction dans leurs rangs, pour deux morceaux à trois guitares, du prometteur Samson, un des guitaristes de la formation de blues Black Bus, se révèle explosive, comme en témoignent les deux vidéos JK 1301 et JK1302 sur YouTube.




Et sur la grande scène, que se passait-il ?
Les premiers à entrer en scène furent Thomas Doucet & The G-Lights, groupe à l’influence soul se produisant sans guitare et vainqueur du prix Bain de Blues lors du Tremplin des Rendez-Vous de l’Erdre en 2018. On comprend vite pourquoi tellement il est facile de tomber sous le charme de la voix prenante de Thomas Doucet, dont le jeu de sax vient renforcer la tonalité soul de son excellent set. Un excellent chanteur, réellement captivant, un groupe original et compétent, pour délivrer une musique de qualité, la soirée commençait bien.




Elle allait continuer tout aussi bien, mais hélas pour de bien mauvaises raisons. En effet, les organisateurs ont dû pallier l’absence de Paul Orta, le chanteur et harmoniciste texan prévu initialement au programme, mais qui a dû annuler sa participation pour raisons de santé. Atteint d’un cancer à un stade avancé, diagnostiqué en fin d’année dernière, Paul Orta s’est éteint beaucoup trop tôt le 16 mai 2019 à l’âge de 61 ans, même pas trois semaines après le Festival. La lourde charge de le remplacer sur l’affiche a échu au groupe breton Doo The Doo, emmené par le chanteur-harmoniciste Elmore Jazz, et renforcé pour l’occasion par le guitariste Anthony Stelmaszack, bien connu des amateurs de blues. Programmé au départ pour servi de groupe d’accompagnement à Paul Orta, ce combo de qualité s’est fendu d’un hommage appuyé à l’harmoniciste texan avec un « Hoochie coochie Girl » des familles, puis a emporté la salle dans son jump-blues impeccable, exécuté avec une bonne humeur contagieuse et beaucoup de dynamisme, dans une ambiance festive, parvenant à faire oublier la pesante actualité de leur présence. Une vraie réussite qui a suscité une adhésion enthousiaste du public et leur a permis de quitter la scène sous les applaudissements nourris d’un succès amplement mérité.


Bien lancée par les deux premières prestations, la soirée s’est poursuivie par le déploiement de la grande classe de Zac Harmon, qui s’est appuyé sur sa grosse présence sur scène et un véritable talent pour nous faire apprécier son show chromé à l’américaine, un show qui, malgré son aspect de « grosse machine », ne manque ni de feeling, comme pour sa version de « Knockin’ on heaven’s door », ni de subtilité, et qui a su captiver des spectateurs ravis. Encore une grosse prestation saluée par les applaudissements nourris d’un public n’ayant rien perdu de son enthousiasme !




Il revenait aux Néerlandais d’Electrophonics de clore le Festival, ce qu’ils ont réalisé avec brio, mettant leur grande énergie et leur dynamisme au service d’une musique remuante à base de jump-blues -encore-, de swing, de rock’n’roll à l’ancienne. Ayant réussi à faire claquer des doigts à toute la salle, sur un morceau très swing, le groupe batave s’est offert un beau succès devant une assistance conquise malgré la fatigue de cette fin de deuxième soirée, une véritable performance !



Nul doute que la très grande qualité de cette édition soit la meilleure publicité pour le succès de la prochaine ! Il n’y avait qu’à observer les visages souriants des spectateurs quittant la salle pour se convaincre du succès mérité de ce millésime 2019, et ce n’était pas dû qu’à la victoire inattendue ce soir-là du Stade Rennais en finale de la Coupe de France de football, mais surtout à l’impact euphorisant de la musique proposée tout au long de ce formidable Festival. Quand la qualité et l’ambiance générale atteignent ce niveau, on ne peut qu’en redemander et attendre avec impatience l’édition 2020. Vivement Bain de Blues 14ème édition !
Y. Philippot-Degand


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